«Il ne faut pas entrer dans le jeu des harceleurs»

Un an de violences gratuites pour lui. « Je l’ai harcelé parce qu’il était différent et qu’il n’avait pas le même mode de vie que moi ». Sans remise en cause, sans regret, il témoigne du harcèlement qu’il a fait subir à un de ses camarades de 4e . « J’ai été pris au piège par l’effet de groupe, comme dans un engrenage ». Il cite un exemple de harcèlement : « Lorsqu’il était dans la même pièce que nous, mes amis et moi parlions de lui dans le but de le blesser ».  La réponse de cette personne harcelée : ignorer ses harceleurs. « J’étais conscient que je pouvais me faire virer, mais ça m’était égal. Comme j’arrivais toujours à me défendre auprès de la direction, j’étais confiant. Si une personne de ma famille s’était fait harceler, je lui aurais dit de se défendre et je serais allé voir les harceleurs. Nous ne lui faisions pas subir de violences physiques, seulement des moqueries. Par exemple, en sport nous disions “ 5 mètres de sécurité ” quand nous passions à côté de lui ».

Ce n’est que lorsqu’il est parti qu’ils ont pris conscience de l’ampleur de leurs actes. « Après son départ, nous ne nous en sommes pris à personne d’autre, c’était seulement lui parce qu’il était laid et sale. On l’humiliait quand il y avait le plus de monde. » Aujourd’hui, il n’est pas bouleversé par les actes de discrimination qu’il a commis. Il semble sûr de lui. Presque fier. Il paraît froid à l’égard de son camarade qu’il a harcelé pendant un an. À la question s’il serait prêt à recommencer, il répond froidement : « je n’ai pas de raison de le refaire ». Par déduction, on entend que s’il avait l’occasion de le refaire, il n’hésiterait pas.

« On me crachait dessus »

Trois ans de galère pour elle. Tout a commencé en primaire. Elle est remarquée à cause de ses bonnes notes en classe de CM2. Devenue première de la classe, elle commence à subir des moqueries ainsi que d’autres violences psychologiques de la part de ses camarades. Ils l’insultaient, la traitaient d’intello notamment. Elle recevait des réflexions, se faisait humilier en cours. À son entrée au collège, elle se retrouve de nouveau face à ses harceleurs. La situation empire. Ses amies passent du côté des harceleurs. Le harcèlement s’aggrave : mots dans le casier, crachats. « On me crachait dessus parce que j’étais très appréciée des professeurs. »

« Personne ne le savait parce que mes harceleurs savaient être discrets, et moi je n’ai jamais osé en parler ni à mes parents ni à la direction, par peur des représailles encore plus violentes que ce que je subissais. Cet harcèlement a cessé lorsque j’ai déménagé, en 4e. Quand je suis arrivée dans un nouvel établissement, j’ai recommencé une nouvelle vie et aujourd’hui je suis heureuse, j’ai des amies et j’ai laissé le passé derrière moi. » Elle en a tiré une vraie leçon de vie.

« Le plus dur a été de voir mes amies m’abandonner par peur d’être elles aussi harcelées en restant à mes côtés, elles se sont donc liées d’amitié avec les harceleurs. » Elle ajoute : « Ceux et celles qui sont dans ce cas doivent rester forts et croire en leurs convictions, ne surtout pas entrer dans le jeu des harceleurs. Mais tant que la boucle n’est pas refermée, c’est un cercle vicieux et c’est très compliqué de s’en sortir. Lorsque j’ai déménagé, j’ai tout laissé derrière moi et j’ai décidé de paraître forte aux yeux d’autrui, de me faire de nouveaux amis et de ne plus jamais faire trop confiance aux autres. J’ai aussi retrouvé mon droit d’expression, car avant je ne pouvais pas, je n’osais pas parler ».  Aujourd’hui, elle se méfie beaucoup et se prépare à tous les mauvais coups que pourraient lui faire les personnes qui l’entourent. Trois ans de calvaire pour elle. Un an de violences gratuites pour lui.

Marion et Clémence