« Je vous mets en prison, mais un jour vous me remercierez »

« Est-ce que ça rend un lapin plus intelligent de le mettre en cage » glisse Jean*, 19 ans, en guise de propos introductif avant de m’accompagner chez lui, à la rencontre de son colocataire. Denis*, 26 ans, a passé près de 4 années au centre pénitencier de Vivone, dans la Vienne.  Arrivée devant l’appart des 2 colocataires, Denis était sorti faire les courses. Nous l’avons attendu. Pendant ce temps, Jean entame la conversation et revient sur l’enfance de Denis. Abandonné par ses parents, il s’est retrouvé dans une famille d’accueil, plus ou moins malmené, il fugue à 16 ans.

Lui qui s’intéressait un peu au dessin, il s’est mis en tandem avec un ami tatoueur et ont fini par monter une boutique de tatouage.  Denis revient des courses les bras chargés, ouvre son appartement, passe devant une petite cuisine et nous invite au salon. L’appartement est en désordre. Les murs de la pièce sont couverts d’une tapisserie jaune soignée par rapport au reste de son mobilier. Au milieu, trône une petite table basse, une bouteille de bière est ouverte, au sol une moquette blanche devenue grise avec le temps et la poussière. Le reste de la pièce est meublé avec des banquettes grises usées, sur lesquelles se sont assis Denis et Jean.

J’opte  pour un tonneau très bancal. Denis porte une veste streetwear rouge à capuche, un jean classique et des baskets, « je suis allé en prison pour trafic de cocaïne pendant 4 ans ». Jean précise : « quand il a eu un boulot de tatoueur, l’argent a coulé à flots, pour quelqu’un qui n’en avait jamais eu, c’était énorme et il a commencé à s’intéresser à la cocaïne, il s’est drogué et a commencé à entrer dans le trafic de drogue. Il s’est fait prendre une première fois, n’a pas eu trop de soucis, mais a perdu son taf. Il a essayé de faire un gros coup avec la cocaïne, mais il était consommateur ». Un jour, sur la route, Denis a pris de grosses doses et il s’est endormi. La douane est passée, il s’est fait prendre avec sa cargaison. Lors de son procès, le juge a dit quelque chose qui l’a marqué : « Je vous mets en prison, mais un jour vous me remercierez ».

Il l’a très mal pris. Son quotidien en prison était très rythmé et monotone. « Réveil, traitement, bouffe, 1h30 de promenade le matin et l’aprèm, le reste du temps tu es tout le temps enfermé ». Il se souvient de sa première impression, « ça calme tout de suite. Dès que je suis arrivé, on nous a mis à 8 dans une cellule. La nuit elles sont bloquées, c’est là qu’il t’arrive les pires trucs si t’as pas une grande gueule ! J’arrivais pas à dormir à cause des cris des autres et personne ne venait ». Il poursuit, « la prison c’est l’école du crime, tu entres pour un vol de bonbons, tu ressors t’es un braqueur. » Sa réinsertion dans la vie active a été difficile, « ma copine m’a quitté, je n’ai pas retrouvé de travail, j’ai tout perdu, ça a gâché une grande partie de ma vie ».

Mais il reste convaincu de l’utilité des prisons « il en faut, dans certains cas ça s’avère utile ». Jean reprend, « malgré tout, c’est ce qui lui a permis, en étant en prison, de sortir du trafic de drogue ». Denis est maintenant sous méthadone, ce qui permet d’atténuer son addiction et ne plus avoir à faire aux dealers. « J’ai arrêté les grosses conneries » avoue Denis. Mais il y a encore du chemin à parcourir avant d’être totalement indépendant de la drogue.

Pauline, Cylia et Valentin