LES BASSINS DE LA DISCORDE

Le débat qui oppose la majorité des agriculteurs et les militants écologistes dure depuis quelques années et est loin d’être terminé.

En septembre 2017 a été annoncé un projet de construction de 19 bassines de stockage d’eaux agricoles : 15 dans les Deux-Sèvres, 2 dans la Vienne et 2 en Charente Maritime. Ces réservoirs doivent stocker l’eau en hiver pour la redistribuer sur les 230 exploitations agricoles en été. Puiser dans les nappes et cours d’eau, la capacité totale de retenue équivaut à 8,6 million de m3 d’eau, pour un coût total de 60 millions d’euros (selon La Nouvelle-République). Si le projet séduit la majeure partie des agriculteurs il est loin de faire l’unanimité du côté des militants écologistes qui se sont mobilisés à plusieurs reprises. Parmi eux, un collectif : « Bassines non merci », Julien le Guet en est membre.

La quarantaine, cet éducateur qui travaille à la Frenaie, une entreprise coopérative tournée vers l’écologie pratique, milite depuis le début contre l’implantation des bassines. « Elles ne se feront pas, ça ne sera pas tenable ». C’est un homme détendu, mais sûr de lui que nous avons rencontré dans le cadre verdoyant du jardin des Plantes, dans le centre ville de Niort. « Soit nous changeons notre manière de consommer, soit nous allons droit à la catastrophe » lance-t-il, assuré. L’urgence climatique actuelle s’est immiscée dans le débat des bassines.

Cependant le collectif « bassines non merci » dénonce ce qu’il considère comme les freins d’une évolution plus écologique de notre société. Le terme « déni de démocratie » revient donc souvent dans les déclarations des militants. Ceux-ci dénoncent un manque de prise en compte de l’opinion des citoyens, ils mettent en avant une communication visant à sensibiliser les individus à la complexité du débat. « On n’est pas une machine de guerre, la seule machine que nous avons à disposition c’est notre nombre » déclare Julien le Guet, insistant sur son envie d’une démocratie plus directe.

Depuis 2017 le collectif vit d’actions de désobéissance civile : intervention auprès de citoyens, manifestation, affiches humoristiques, tous les coups sont permis du moment qu’ils restent pacifiques (dans les termes d’un des penseurs de la désobéissance civile, Henry David Thoreau). « Notre lutte se construit autour de la non-violence » affirme le Guet. Parmi ces actions, la création d’une ZAD est sans doute celle qui interpelle le plus. L’idée étant de mettre en place un mouvement alternatif militant bâtit autour de principes d’autogestion et d’internationalisme : « Ce combat-là n’est pas seulement local, il est aussi national et même international ».

Mais s’il y a débat, c’est bien que d’autres revendications sont avancées. Thierry Boudaud, vice-président de Coop de l’eau 79 est défenseur des bassines. « Ce n’est pas un projet pour l’agriculture d’hier, mais pour l’agriculture de demain ». Pour lui il est primordial de « préserver une activité économique agricole sur le bassin de la Sèvre niortaise », mais aussi la prise en compte des questions écologiques. Lorsqu’on lui reproche une forme de greenwashing mise en avant par Julien le Guet, « on essaye d’habiller le projet en vert pour faire passer la pilule », celui-ci répond par le pragmatisme, insistant sur les accords passés avec les associations environnementales. « Nous n’avons pas à nous justifier de savoir si c’est vert ou non, nous n’avons plus qu’à démontrer ».

Rien d’incompatible selon lui, « les bassines c’est la prise en charge de questions agricoles et environnementales. C’est un tout ! ». Cette idée de compromis est au centre du débat actuel, les accords mentionnés ayant convaincus une part des opposants et radicaliser les autres. De nombreuses questions sont donc à prendre en compte, complexifiant un débat animé par un éternel conflit : compromis ou révolution ?

Achile, Margot, Léonie